Exposition Louis Duteil – Octobre 2023

LOUIS DUTEIL, peinture sur affiche – “Cacher pour mieux Voir”

” Laissez le plus distrait des humains, plongé au plus profond de ses rêveries ; dressez-le sur ses deux pieds et mettez-le en marche ; où ira-t-il ? Infailliblement, il vous conduira à l’eau, si eau il y a, où que ce soit dans la contrée. ”

Herman Melville, Moby Dick, Chapitre 1, Miroitements, p35.

Ainsi s’exprime Ismahel au commencement de son aventure dans le roman Moby Dick pour évoquer la présence des océans et des mers sur la Terre. L’océan est le deuxième ciel que notre monde connaît. Cependant, pour en apercevoir sa totalité, nous devons plonger dans l’inconnu, être aspiré dans un environnement qui rappelle notre état primordial. Nous devons, pour ce faire, nous priver de la composante essentielle à la vie des mammifères : l’air.

Les cétacés sont les seuls mammifères à vivre au cœur de l’océan. Les cachalots sont capables de plonger à des kilomètres de profondeur en n’ayant que des ultrasons pour se guider. Ces animaux traversent aisément, à l’aveugle, des masses d’eau sans visibilité, sans lumière. Pour ces raisons-là, ces léviathans me fascinent. Ils vivent dans un milieu que je tente de retranscrire plastiquement, à savoir, l’espace infini et méconnu des profondeurs de la mer. Un milieu qui nous est physiquement inaccessible.

Ma pratique artistique se caractérise par la quête et la recherche d’un abysse pictural à atteindre. Ce qui se joue alors dans mon approche de la peinture, est une immersion dans les strates et les couches océaniques, afin de révéler ce qui n’est pas visible.

Le recours aux affiches publicitaires et affiches de films sont mes supports premiers de travail. Avec cette dernière singularité, je recouvre la surface d’une peau de couleur translucide afin de jouer avec la présence du motif et, paradoxalement avec son absence. Ces images visibles de tous au quotidien deviennent la strate la plus lointaine et difficilement perceptible une fois la surface investie. Ces affiches de publicité et de films produites en masse sont « exposées » temporairement dans la rue et dans les cinémas. L’affiche est un support qui n’est pas fabriqué dans l’intention d’être traité picturalement comme le sont les toiles ou les feuilles de papier vendues à cet effet. Il faut repérer puis sauver de la benne à ordure ces grandes feuilles dans un temps imparti.

Jacques Villeglé arrachait des pans entiers d’affiches collés dans les rues et dans les métros parisiens. Ce support a donc une vie avant d’être recouvert. Des centaines de personnes ont vu ces visuels dans leur vie quotidienne pendant une semaine.

Une fois peintes, elles deviennent uniques alors que lors de leur création elles étaient des centaines à être identiques et éphémères.

Afin de jouer avec le dévoilement partiel d’une forme familière, des bandes adhésives sont au fur et à mesure appliquées puis enlevées. « Masquer, révéler…», c’est ainsi que j’agis dans cette tension permanente. Ces lignes laissent transparaître des bribes d’informations de la première couche du tableau qui aurait pu rester cachée à jamais. Mais elles n’existent plus en tant que telles. Elles deviennent des matières mouvantes de ma composition.

Il est important de préciser que les profondeurs océaniques m’inspirent mais ne sont pas nécessairement l’objectif visuel que je prétends atteindre. La stratification de couches et de dévoilement partiel est la logique inhérente à tous styles de compositions. Que ce soit bleu, vert, rouge, l’océan, l’espace ou bien même Charlie Chaplin dissimulé dans une pub de McDonald’s l’ambition de « cacher pour mieux voir » est le fil conducteur des affiches peintes présentées dans cette exposition.

Le travail de la couleur est essentiel. C’est pourquoi les expressionnistes abstraits sont une source d’influence majeure dans mon langage d’expression picturale. Les artistes tels que Mark Rothko ou Barnett Newman, appartenant au Color Field painting, me permettent d’enrichir ma compréhension de la profondeur que la couleur peut amener. De même, les nouveaux réalistes m’ont inspiré dans leur recherche d’affinement de la frontière entre l’art et la vie ; car en effet ces affiches ont été créées pour le milieu urbain, en les peignant, l’art s’immisce dans des fragments de la vie quotidienne.

Ma pratique picturale est un point d’ancrage en équilibre entre un dialogue avec des mouvements artistiques du passé et une quête de l’invisible à révéler.

Je m’inscris ainsi dans la pensée de l’artiste Jacques Villeglé : « Citer, c’est exister et faire exister ».

Je tiens à remercier vivement Mme Andrée Le Corre ainsi que le Cercle Rigaud qui m’ont permis que cette exposition se réalise.

du 01 au 30 Octobre 2023

LOUIS DUTEIL
Peinture sur affiche
“Cacher pour mieux Voir”

Domaine de Rombeau
2 avenue de la Salanque
66600 Rivesaltes